Riz durable

La grande aigrette : une icône du développement local du riz en RDC

September 10, 2025

Grâce à la coopération gouvernementale, au financement de la Banque mondiale et à la mise en œuvre du programme PICAGL, de nouvelles dynamiques émergent dans la chaîne de valeur du riz au Sud-Kivu et au Tanganyika, en RDC. L’augmentation de la productivité, la production durable et la qualité élevée du riz local créent de nouvelles opportunités d’affaires pour les producteur·rice·s et les jeunes.

Icon Place

Pays

Région

Provinces du Sud-Kivu et du Tanganyika (Bukavu‑Uvira‑Fizi‑Kalémie)

Icon Scope

Objectif

Développement de la chaîne de valeur du riz local

Icon Duration

Durée

2019-2024

Les défis

Aux côtés du Rwanda et du Burundi, voisins de la RDC, on trouve la plaine de la rivière Ruzizi, qui se jette dans le lac Tanganyika. Le potentiel de production rizicole de cette longue étendue de terre est énorme, mais le secteur du riz fait face à d’importants défis, principalement en raison du manque de supervision gouvernementale et de services publics, parmi lesquels :

  • Un manque d’accès à des semences de bonne qualité, entraînant une faible production par hectare (1,5 à 2,5 t/ha).
  • Des difficultés dans la gestion de l’eau dans les rizières en raison de l’absence d’infrastructures hydro‑agricoles.
  • La rareté ou l’absence de machines de transformation du riz (décortiqueuses). Celles existantes sont anciennes et obsolètes. Elles produisent un riz de qualité trop faible pour être apprécié sur le marché. Les consommateur·rice·s préfèrent manger un riz importé vieux, sec et sans goût plutôt qu’un riz qui leur casse les dents.
  • Le riz local est méconnu sur un marché inondé de riz importé à bas prix d’Asie du Sud-Est.
  • Un paysage fragmenté composé de nombreuses petites coopératives (de nom seulement), trop petites pour être viables et étouffées par la concurrence, constitue un obstacle au développement des chaînes d’approvisionnement en riz local.

Depuis 2011, Rikolto promeut l’investissement agricole et la commercialisation du riz dans la région, mais le programme PICAGL a offert une opportunité exceptionnelle pour intensifier nos activités. PICAGL (Programme d’Intégration pour le Développement Agricole des Grands Lacs) est un projet ambitieux promu par le gouvernement congolais et financé par un prêt de la Banque mondiale. Le projet vise à augmenter la productivité agricole, créer des opportunités d’affaires et renforcer la résilience des systèmes alimentaires face aux crises en RDC. Il se concentre sur le développement de quatre chaînes de valeur agricole, dont celle du riz.

Je me souviens encore de la première fois où je suis descendu dans la plaine de la Ruzizi, dans la province du Sud-Kivu. Lorsque nous leur avons demandé quels étaient leurs défis, chaque producteur·rice de riz a répondu : « Nous n’avons pas de marché pour notre riz ». J’étais incrédule. Déjà à cette époque, la population de la ville de Bukavu, située à 45 km des rizières, était estimée à près d’un million d’habitant·e·s.

Ivan Godfroid

Ancien directeur régional | Rikolto en RDC

Nos stratégies

Un démarrage laborieux

L’achèvement des procédures administratives, conjugué aux contraintes de la pandémie de COVID-19, a freiné la mise en œuvre des activités du projet, qui ont finalement débuté en 2019 au lieu de 2016. Pour compenser le temps perdu, une prolongation a été accordée et une deuxième phase du projet a été approuvée, qui se terminera en 2024.

Lors de la première phase du PICAGL 2019‑2021, l’intervention de Rikolto s’est concentrée sur quatre piliers :

  1. Des cultures fortes et résilientes grâce à des semences de qualité. La faible productivité est souvent due à l’utilisation de semences de mauvaise qualité. Nous avons aidé les producteur·rice·s à accéder à des variétés de riz améliorées, résilientes et plus productives (Komboka, Tai, Mugwiza), répondant aux attentes des consommateur·rice·s. La principale inquiétude des producteur·rice·s était de pouvoir payer ces semences en début de saison. Nous avons mis en relation les multiplicateur·rice·s de semences et les producteur·rice·s via les coopératives et, grâce à la coopération et à la mobilisation de la direction du Contrôle agricole, fourni des crédits pour l’approvisionnement en semences.
  2. Formation des producteur·rice·s aux bonnes pratiques agricoles à travers les Champs-Écoles Paysans, une méthodologie développée par la FAO, jamais utilisée auparavant dans la région. Les producteur·rice·s réalisent des expérimentations dans leurs propres champs, comparant les pratiques traditionnelles avec celles proposées par Rikolto (Gestion Intégrée de la Fertilité des Sols – GIFS – et Système d’Intensification du Riz – SRI), qui augmentent les rendements tout en respectant l’environnement.
  3. Structuration, formation et accompagnement des coopératives de producteur·rice·s. Chez Rikolto, nous avons l’expérience d’aider les producteur·rice·s à s’organiser en coopératives et à renforcer leur esprit de coopération. L’action collective, tant en termes d’approvisionnement que de commercialisation, réduit les coûts des producteur·rice·s et favorise la création de services au sein des coopératives.
  4. Commercialisation du riz. Nous avons accompagné les organisations paysannes pour accéder au marché de Bukavu et positionner leur riz en développant un label et un mécanisme de certification pour un riz 100 % local et de haute qualité.

Investir dans l’eau et la jeunesse

La deuxième phase du projet s’est concentrée sur la gestion de l’eau et l’implication des jeunes.

Pour garantir un approvisionnement en riz tout au long de l’année pour les consommateur·rice·s urbain·e·s, l’accès à l’eau d’irrigation et de drainage doit être assuré dans toutes les zones de production ciblées par le projet. Pour pallier l’échec de l’UNOPS, le fournisseur d’infrastructures du PICAGL, et pour établir de nouveaux périmètres rizicoles pour les producteur·rice·s, nous avons décidé d’adopter l’Approche Smart-Valley, une méthodologie participative, communautaire et moins coûteuse, développée par Africa Rice pour la construction de systèmes hydro-agricoles. 24 sites couvrant 1 320 ha seront aménagés dans les deux provinces, dont 792 ha au Sud-Kivu et 528 ha au Tanganyika.

Si les consommateur·rice·s privilégient le riz entier à grains longs, cela se fait au détriment des producteur·rice·s, pour qui 25 à 30 % de la production est constituée de riz brisé après le décorticage. Les jeunes ont saisi cette opportunité pour transformer ces déchets de production en divers produits à base de riz (biscuits, croquettes, farine pour bouillie, galettes, etc.) et créer de nouvelles opportunités d’affaires.

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Les résultats

Écoles en plein air pour l’apprentissage des innovations technologiques

  • 584 est le nombre de Champs-Écoles Paysans (CEP) installés entre 2019 et 2020, regroupant 17 056 participant·e·s. À travers ces CEP, nous avons diffusé l’utilisation de pratiques agricoles durables (normes SRP), promu la production locale d’engrais organique et introduit deux technologies innovantes : la GIFS et le SRI.
  • En 2022, nous avons formé 5 194 producteur·rice·s aux bonnes pratiques agricoles conformément à la norme SRP. 66,4 % des producteur·rice·s avaient adopté les technologies à la fin de l’année 2022. La GIFS est très appréciée (taux d’adoption jusqu’à 72,4 %) car elle réduit le nombre de sarclages, permettant ainsi d’économiser de l’argent, et les plants sont plus résistants en cas d’érosion. Le SRI présente davantage de limitations en raison du besoin en quantités importantes d’engrais, souvent difficiles à se procurer. En 2023, 3 259 nouveau·elle·s producteur·rice·s ont été formé·e·s.
  • Pour répondre à la question cruciale de l’accès à l’eau, les coopératives de producteur·rice·s ont adopté l’Approche Smart-Valleys basée sur la communauté. En 2023, grâce à l’utilisation généralisée de cette pratique, 1 200 hectares ont déjà été irrigués avec succès, atteignant presque l’objectif de 1 320 hectares fixé pour 2024.

Rendements accrus

  • Les rendements obtenus grâce à l’application du SRI et de la GIFS ont été significativement supérieurs à ceux des parcelles cultivées selon les pratiques habituelles des producteur·rice·s. Comparativement à 2,5 tonnes/ha, les producteur·rice·s ont atteint 4,5 tonnes/ha au Sud-Kivu et 5,1 tonnes/ha au Tanganyika, grâce aux innovations technologiques combinées à l’accès à des semences de qualité.
À Bwegera, la variété Tai a permis d’améliorer la production, passant de moins de 2 t/ha à 4 t/ha, ce qui nous donne un peu d’espoir. Si nous améliorons l’accès à l’eau, nous pourrions atteindre 4,5 t, voire 5 t par hectare.
  • Ces résultats ont convaincu les producteur·rice·s, qui ont augmenté de 30 % la surface de riz cultivée selon les méthodes SRI et GIFS.

Une question de semences

  • 46 groupes de multiplicateur·rice·s de semences ont été formé·e·s et accompagné·e·s techniquement dans le processus de multiplication des semences, générant un volume de 372 tonnes de semences en 2020. En 2023, 22 structures reproduiront le processus sur une superficie d’environ 60 ha et un volume de 376 tonnes est attendu.  
  • La collaboration et la mobilisation de la direction du Contrôle agricole ont permis la mise en place de « crédits semences », avec la distribution de 124 tonnes à 18 748 ménages et le semis sur une superficie de près de 6 000 ha. Afin d’assurer une gestion efficace des prêts accordés aux producteur·rice·s, des GEMAM (Groupes d’Exploitations Multiplicatrices de semences Agricoles en Ménage) ont été constitués au sein des coopératives. Chaque GEMAM regroupe 25 à 30 ménages voisins.
Je suis en charge d’un GEMAM mis en place par la coopérative CABAS. Nous avons reçu un crédit de 10 kg de semences Komboka pour chaque ménage, à rembourser à la récolte, soit avec une partie de la production, soit en argent. Ce crédit semences a été un soulagement pour nous, car nous n’avions pas accès à des semences de bonne qualité. 

Feza Zabuloni

Productrice de la coopérative CABAS

Le label Nyange Nyange : un riz 100 % local nommé d’après une grande aigrette

  • Le riz du Kivu, initialement destiné à la consommation domestique puis à la brasserie Bralima, trouve désormais d’autres débouchés sur le marché. Le riz du Kivu gagne en popularité grâce à la mise en place du label de qualité Nyange Nyange. Nyange Nyange est le nom d’une grande aigrette, visiteuse fréquente des rizières, et synonyme de riz congolais 100 % local et de qualité. À travers un processus inclusif et participatif, nous avons développé un modèle d’affaires selon lequel une organisation à but non lucratif (Nyange Nyange) certifie le riz produit par les coopératives et garantit sa qualité pour les consommateur·rice·s.
  • 77 % des 14 874 tonnes de riz paddy produites dans les deux provinces (fin 2022) ont été décortiquées et vendues sous forme de riz blanc, dont 82 tonnes de riz certifié Nyange Nyange. Une campagne de sensibilisation a été menée à Bukavu et le riz local a fait une percée sur le marché de la ville. Sa traçabilité s’est améliorée, dépassant 62,8 %, et le riz du Kivu se trouve désormais sur les étagères des magasins et supermarchés de la ville.
  • En 2023, le modèle Nyange Nyange a été répliqué dans la région du Tanganyika grâce au label “Magoyo rice”, sous lequel le riz durable est vendu avec succès sur les marchés traditionnels et urbains.

Des coopératives de producteur·rice·s renforcées

16 organisations paysannes sont désormais mieux structurées et ont amélioré leur capacité organisationnelle, leur gouvernance et leur gestion financière grâce aux formations et au suivi rapproché de Rikolto, ainsi qu’à la mise à disposition d’un nouveau logiciel comptable (SAGE). Les organisations ont élaboré leurs propres plans d’affaires et ont sollicité des prêts auprès d’institutions financières (Equity Bank, SMICO, PAIDEK et Coopec Kalundu) facilités par Rikolto ; 6 d’entre elles ont obtenu des crédits agricoles pour un montant total de plus de 220 000 USD.

Des jeunes entrepreneur·e·s valorisent les sous-produits du riz

Nous avons accompagné le développement de nouveaux produits alimentaires à base de sous-produits du riz. Dans le laboratoire de l’Université Évangélique en Afrique (UEA), 11 formules alimentaires à haute valeur nutritionnelle ont été développées avec des jeunes entrepreneur·e·s prometteur·euse·s. Deux de ces start-ups (Uzima Food et STADL/HINJA) vendent leurs produits dans des supermarchés (Amigo et Stars Market) de la ville de Bukavu.

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Avec qui travaillons-nous ?

World Bank
UEA

Contact

Augustin Rushunda

Responsable du programme rizicole en République démocratique du Congo

augustin.rushunda@rikolto.org
+243 997 762 789

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