Le monde entier se souvient encore fort bien de la flambée des prix des denrées alimentaires de 2008. Une onde de choc faisait frémir la planète devant la perspective que les populations urbaines pourraient manquer de quoi se nourrir. La peur, réputée mauvaise conseillère, avait suscité de nombreuses manifestations, dont plus d’une s’est détériorée en violences dans plusieurs capitales africaine.
Les pays africains se sont rendus brusquement compte d’une de leurs vulnérabilités : leur dépendance du riz et d’autres denrées alimentaires importés pour nourrir leurs populations. Le commerce mondial du riz ne concerne qu’une petite partie de sa production totale, en moyenne 6% par an. Il suffit donc de peu pour que l’offre sur le marché mondial disparaisse. De toute façon, les pays asiatiques producteurs, dans un avenir pas très lointain, auront besoin de tout leur riz pour couvrir les besoins alimentaires de leurs populations toujours croissantes, car toutes les terres propices à la riziculture sont déjà emblavées et les rendements à l’hectare sont très proches de leur optimum. L’expansion de leur riziculture n’est dès lors plus une option réaliste.

Avec l’appui de la coopération japonaise et du grand centre continental Africa Rice, les gouvernements des différents pays africains qui dépendent du riz importé ont élaboré, au début de la deuxième décennie de ce siècle, une stratégie nationale pour le développement de la riziculture. La République Démocratique du Congo a suivi le pas de ses frères de l’Afrique de l’Ouest et la SNDR congolaise a été adoptée en 2013.
Il est difficile de trouver des statistiques fiables au Congo. Les chiffres de production les plus récents datent de 2012 et proviennent de la FAO. Mais il s’agit visiblement d’une estimation. Il en est de même pour les quantités de riz importées. Les chiffres répertoriés varient énormément d’année en année, mais c’est un secret public que des quantités importantes entrent le pays par des voies illégales, ce qui fausse évidemment les statistiques officielles. La dépendance du riz importé doit se situer autour de 50%. En d’autres termes, d’ici une dizaine d’années, plus de la moitié de la population perdra l’accès au riz.
D’où l’importance d’intensifier le plus rapidement possible la riziculture en RDC. Car cette riziculture a encore de très grandes marges d’amélioration ! Le rendement moyen actuel n’est que de 800 kg à l’hectare. Cette moyenne très basse s’explique par le fait que 98% du riz produit en RDC est du riz pluvial cultivé selon les méthodes traditionnelles dans des champs de petite envergure. Le riz irrigué ne compte que pour 2% de la production totale.

La SNDR propose une dizaine de stratégies complémentaires qui touchent vraiment à toutes les dimensions améliorables. Si celles-ci étaient toutes mises en œuvre, sans doute que l’augmentation de la production des 350.000 tonnes par an en 2012 jusqu’au 1.400.000 tonnes prévues en 2018, comme le veut la stratégie, pourrait être réalisée pour une partie significative. Mais quand-même : quadrupler la production nationale en 6 ans de temps frôlerait le miracle. Comment a-t-on pu adopter un objectif aussi irréaliste, sachant en plus que la stratégie reste muette sur un point d’une importance pourtant capitale : quels moyens seront alloués pour la mise en œuvre de la stratégie ?
Sans effort majeur pour la mobilisation des moyens, il est prévisible que dans les meilleurs des cas, basé sur une extrapolation des chiffres actuels, la production n’atteindra à peine que 400.000 tonnes de paddy en 2018, soit 3 kg par habitant !

Le 16 octobre 2015, Journée Internationale de l’Alimentation, la LOFEPACO, avec l’appui de Cordaid, de VECO et de l’IFDC, a organisé la toute première journée riz, initiée par une organisation paysanne en dehors de la capitale. Cette journée a permis de faire des échanges sur les défis, les contraintes et les succès des riziculteurs de la RDC, notamment à travers une visite d’échanges, la veille, à Kyatsaba, dans la vallée de Kyatenge et à Kasindi, où VECO a appuyé la LOFEPACO pour l’installation d’une décortiqueuse performante, capable de séparer le grain entier des brisures.

La plupart des participants y ont entendu parler pour la toute première fois de la stratégie nationale. Et tout le monde s’est demandé quelle est la raison d’être d’une stratégie irréaliste sans moyens. Les participants, qui provenaient aussi bien des organisations paysannes et des coopératives rizicoles, que des services étatiques, les centres de recherche et les ONG, étaient unanimes dans leurs recommandations :
Si la population et ses gouvernants s’engagent ensemble pour un objectif commun comme l’autosuffisance en riz, il est possible de le réaliser à base d’une planification commune réaliste. Si toutefois une stratégie est formulée uniquement pour en avoir une, sans se soucier de sa mise en œuvre, elle finira comme une archive inerte sans lendemain.


